Barje, barjot, barré. Selon le dictionnaire d'argot, traiter quelqu'un de barje c'est le considérer
comme une personne déraisonnable, hors du commun, et qui n'hésite pas à prendre des
risques. Voilà une définition qui sied si bien à Buridane qu'elle l'a prise au mot dans le titre de
son nouvel album: Barje Endurance, ou l'originalité dans la continuité.
Lorsqu'elle est apparue il y a cinq ans, elfe blond aux allures enfantines et au grain de voix à
la sensualité mutine, on s'est dit que cette jeune fille là allait trouver naturellement sa place au
milieu des "chanteuses à guitare" du paysage français. Sauf que oui... et non. Car si le single
"Badaboum" a bien fait les beaux soirs des radios et des télés, c'était peut-être pour mieux
camoufler le reste : des chansons intrépides à la plume incisive, à la tendre noirceur et à
l'urgence éperdue, à la fois ombre et lumière, ange et démon. Après tout, elle avait annoncé la
couleur dès l'intitulé de son premier opus : Pas Fragile...
Un temps écartelée entre son amour de la danse et sa passion pour l'écriture, à l'inverse du
célèbre et tragiquement indécis équidé du philosophe dont elle a emprunté et féminisé le
patronyme, Buridane a finalement choisi : elle allait chanter et faire danser les mots. Des
débuts prometteurs couronnés de chroniques élogieuses et de prix divers, de concerts et de
tournées, et puis le silence et la solitude de l'entre-deux. Un espace de transition qu'elle a mis
à profit pour préparer la suite, s'isoler pour mieux ciseler.
La transition, c'est justement le thème général de ce deuxième album. Recommencer à zéro ce
qui a été amorcé, prendre conscience de la précarité et de la difficulté à tenir la distance, à
l'image des relations sentimentales. Grandir pour mieux savoir qui l'on est et pour mieux
l'affirmer.
Le résultat, onze chansons dont elle a signé elle même tous les arrangements, et dont elle a
confié la réalisation à Cédric de la Chapelle (Slow Joe & The Ginger Accident). On y
retrouve sa griffe vocale singulière enrichie de choeurs aériens, et ces plages à l'acoustique
épurée, cette fois parsemées de touches électro et de rythmiques qui peuvent parfois évoquer
hip hop et slam. Pas étonnant de la part d'une artiste qui avoue avoir été impressionnée aussi
bien par la dimension spirituelle de la chanteuse Tracy Chapman que par le flow du rappeur
Buck 65.
Mais ce qui fait aussi et surtout la particularité de Buridane, ce sont les textes, à la densité
poétique et au souffle du vécu, lettres émouvantes et prières épiques, constats entre lucidité et
autodérision, aux thèmes en forme de catharsis à la fois intime et universelle. Colère contenue
dans "Taureau"(le single de l'album), difficulté de communication dans "Electrochoc" ou
"Mauvais Sort", épreuve de la disparition d'un proche dans "Bleu", tendresse et angoisse dans
"Le déclin", jalousie et désir dans "Toutes les filles", espoir et promesses dans "Perspectives"
ou "À l’aube".
"Je suis faite de précipices, de brèches mensuelles", chante Buridane dans "Le phénix et la
cendre". Complètement barje ? Unique, plutôt. Et pourtant si étrangement familière.
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